Depuis une quinzaine d’années, il caresse un rêve fou ! Jossy Chacko, ce chrétien de l’Inde du Sud, aimerait implanter 100’000 communautés chrétiennes dans le nord du sous-continent indien. Directeur international de la mission Empart, il raconte dans un livre « Inouï ! » son parcours de vie, d’une enfance dans le Kerala au lancement du Festival chrétien du Punjab via Empart. On a là en 225 pages le récit d’une « saga missionnaire » contemporaine, qui entretient des liens étroits avec la Suisse.
Stéphane Hofer de l’Eglise évangélique de Moudon (FREE), l’actuel directeur d’Empart en francophonie, est en effet impliqué dès les origines dans le projet fou d’implanter 100’000 Eglises dans le nord de l’Inde d’ici 2030.
Un Indien issu d’un christianisme plurimillénaire
Jossy Chacko est né dans l’Etat du Kerala, au sud-ouest du sous-continent indien, dans une famille chrétienne qui s’inscrit dans ce christianisme de l’Inde du Sud dont les origines remonteraient à l’apôtre Thomas, l’un des 12 disciples de Jésus, qui, selon la légende, serait arrivé en 52 en Inde pour y fonder des Eglises. Les grands-parents tant paternels que maternels de Jossy ont quitté l’Eglise syrienne de leurs ancêtres pour devenir évangéliques.
L’enfance de Jossy Chacko est difficile. Elle est marquée par la maladie psychique de son père et par la figure de son grand-père paternel qui deviendra le principal vis-à-vis de Jossy, tant du point de vue éducationnel que spirituel. Jossy fréquente une Eglise de Frères.
A 16 ans, Jossy Chacko entre dans une école biblique dirigée par l’un de ses oncles. Grâce à des contacts, il quitte cette école pour s’installer à 17 ans à Perth en Australie, afin d’y poursuivre des études de théologie et faire fortune. Le jeune adulte déménage ensuite à Melbourne où il s’inscrit au Collège biblique Victoria. Le matin, il suit les cours de cette faculté de théologie et, le reste de la journée, il travaille dans une entreprise.
Avant tout, faire fortune avant 30 ans
Bien loin d’être attiré par la mission, Jossy souhaite avant tout faire fortune avant 30 ans. Il épouse Jenni, une infirmière, fille de missionnaires, qui suit également des cours au Collège biblique Victoria. A l’occasion de leur voyage de noces en Inde, Jossy et Jenni rencontrent un enfant de 8 ans, Raju, qui va les accompagner tout au long de ce voyage, et leur permettre d’entrer dans le monde des Indiens les plus démunis. « En regardant en arrière, commente Jossy Chacko, je comprends que Raju est celui qui a eu le plus d’importance dans ma vie après Jésus-Christ et mon grand-père » (p. 87). La rencontre de cet enfant et d’autres Indiens va conduire Jossy à s’intéresser à tous les habitants du nord de l’Inde qui n’ont pas entendu parler de l’Evangile.
En 1996, Jossy Chacko décide d’arrêter son activité professionnelle et de se mettre à la disposition du Seigneur. Il réalise que le nord de l’Inde, une région stratégique du point de vue des religions du monde puisque l’hindouisme et le bouddhisme en sont originaires, « a le plus grand nombre de peuples non atteints par l’Evangile pour un seul pays » (p. 100). Cette prise de conscience le fait cheminer pour développer sur place un travail d’évangélisation et de mission auprès de ces populations. Insatisfait par la manière de faire des missions classiques – envoyer des missionnaires occidentaux sur place, installer une Eglise et un dispensaire, puis développer le travail… – Jossy Chacko reprend l’exemple de Jésus et de Paul dans le Nouveau Testament. Dans son activité missionnaire, il décide d’inscrire comme priorité le fait de faire des disciples, de former des bâtisseurs d’Eglise et de leur proposer un soutien financier dégressif pour atteindre le but, complètement fou, de créer 100’000 nouvelles Eglises dans le nord de l’Inde d’ici 2030. En février 2011, 3929 Eglises ont déjà été établies, 4474 sont en formation et quelque 1542 bâtisseurs d’Eglise formés.
Prêcher, mais aussi aider enfants et femmes
Empart voit le jour en 1997 en Australie. Jossy et Jenni Chacko acquièrent la conviction qu’ils ne doivent pas travailler en partenariat avec d’autres œuvres chrétiennes en Inde, mais lancer leur propre dynamique à partir de leurs perspectives originales. Ils implantent des Eglises locales par des autochtones et à partir de là font rayonner l’Evangile par la prédication et le témoignage, mais aussi par des activités sociales. Deux activités prennent particulièrement de l’ampleur : l’accueil d’orphelins par les couples pastoraux et le lancement de centres de formation à la couture pour les femmes qui, après 6 mois de cours, reçoivent un certificat final et une machine à coudre made in India, pour exercer leur nouvelle profession en indépendantes.
En 1998, alors que Jossy Chacko manque de courage pour vraiment se lancer dans la création d’une mission indépendante dans le nord de l’Inde. Il y est incité par 3 personnes. Parmi celles-ci : Stéphane Hofer, un jeune Suisse fraîchement converti, que Jossy a rencontré en Australie et qui le retrouve à Dehli pour passer 6 semaines sur le terrain à découvrir la spiritualité « ténébreuse de l’Inde ». « Sans son amitié et sa compagnie, confie Jossy, je suis certain que je n’aurais pas tenu une semaine dans cette aventure » (p. 116).
Des héros de la foi, au nombre desquels John…
L’annonce de l’Evangile dans le nord de l’Inde a un coût énorme. De nombreux bâtisseurs d’Eglise font face aux résistances de leur famille et à l’hostilité tant religieuse que politique de nombre d’hindous. Pasteur Paul, Prakash, Sudha, Soniea… autant de visages de « héros de la foi » qui, sur le terrain, contribuent, contre vents et marées, au développement d’un témoignage à l’honneur de Jésus-Christ. John, un bâtisseur d’Eglise à la frontière de l’Orissa et de l’Andra Pradesh, a même perdu la vie à cause de cette dynamique. Assassiné à coups de couteaux, un soir alors qu’il rentrait chez lui (p. 183).
Empart est une mission jeune. Au travers de ses bientôt 15 ans d’existence, elle a renouvelé l’élan missionnaire de nombreux chrétiens francophones. En confiant l’essentiel des responsabilités aux chrétiens locaux, elle a fait un pas que nombre de missions appellent de leurs vœux, mais peinent à faire concrètement. Empart a aussi promu des partenariats entre gens d’ici et de là-bas par des séjours court-terme sur le terrain, une démarche qui fait qu’aujourd’hui nombre de responsables et de membres d’Eglises évangéliques de Suisse romande ont à cœur ce travail. Autant de soutiens enthousiastes qui se manifestent par un engagement dans la prière pour ces Eglises, par des échanges au niveau de la formation continue des responsables et par une implication financière.
Serge Carrel